Les dirigeants de Lisea étaient ce mardi 02 février à Bordeaux afin de plaider une nouvelle fois pour un plus grand nombre d’allers-retours quotidiens sur le nouveau tronçon mis en service en juillet 2017. LISEA, le concessionnaire, un consortium dont le principal actionnaire est Vinci, réclame 19 allers-retours directs quotidiens pour assurer la viabilité économique, alors que la SNCF n’en voulait que 13, et que le gouvernement n’en propose pour l’instant que 16,5. Derrière ce bras de fer, entre le concessionnaire, l’Etat et la SNCF, se pose la question de la viabilité du PPP (Partenariat Public Privé) choisit pour construire et exploiter cette ligne. C’est, en effet le plus important PPP actuellement en Europe, et le premier utilisé pour une ligne à grande vitesse. D’abord présenté comme la nouvelle recette miracle pour de grands investissements, ce type de partenariat provoque aujourd’hui de sérieuses interrogations. Le nouveau président de la région, Alain Rousset a, d’ailleurs, déjà exclu le recours au PPP, pour les autres projets du Grand Sud-Ouest.

Pour comprendre l’enjeu de ce bras de fer, il faut se replonger dans les problèmes de mathématiques de notre enfance : « sachant que pour chaque train, qui circule sur ce tronçon de 340 kilomètres, propriété de LISEA, la SNCF verse un droit de passage à ce concessionnaire et que pour équilibrer son budget d’exploitation, le concessionnaire doit dégager 250 millions d’euros de chiffre d’affaire annuel minimum, combien de trains doivent-ils circuler chaque jour sur cette ligne ? ».

Pour LISEA, concessionnaire de la ligne pendant 50 ans, la solution est simple : il a fixé à 31 € du kilomètre, le tarif du péage entre Tours et Bordeaux, pour un TGV standard, et à 48 € du kilomètre pour un TGV duplex, qui peut transporter jusqu’à 1200 passagers, soit, dans ce dernier cas, un péage de 15.000 € pour chaque train.Le montant de la redevance, qui était jusqu’à présent contractuellement strictement confidentiel, est l’enjeu d’une importante bataille de communication entre la SNCF et le concessionnaire.

Avec 16,5 allers-retours, LISEA toucherait donc, chaque année, 220 millions d’euros de redevance, ce qui est insuffisant pour équilibrer l’amortissement de son investissement de 3,8 milliards d’euros. Il lui faut 19 allers-retours pour atteindre les 250 millions d’euros de redevance.

 

Sauf que la SNCF ne l’entend pas de cette façon. Elle prévoit, sans pour autant apporter la preuve de son calcul, fait-on remarquer chez LISEA, un déficit d’exploitation de 150 à 200 millions par an sur cette ligne. Avec une prévision de fréquentation de 20 millions de passagers par an, cela signifie que la SNCF perdrait approximativement entre 7 et 10 € par passager, sachant qu’elle affiche aujourd’hui un déficit abyssal de 41 milliards d’euros.

Le gouvernement doit donc trouver le point qu’équilibre, et cela d’autant plus, que l’Etat s’est porté caution des crédits contractés par les partenaires privés du projet. Cela signifie que si LISEA venait à faire faillite, c’est l’argent public qui devrait, in fine, assumer l’investissement.

S’il est simple de comprendre le bénéfice de cette nouvelle ligne, pour les voyageurs qui mettront l’an prochain, 2 h 05 entre Bordeaux et Paris, au lieu de 3 h 15, s’il est évident que les élus locaux en tireront un bénéfice en terme d’image et de dynamisme économique pour la ville de Bordeaux, et qu’il est logique qu’ils souhaitent une desserte la plus importante possible, il faut aussi avoir en tête, la fragilité économique du montage financier qui a permis la construction et la future exploitation de cette ligne.

Présenté comme un  modèle idéal, ce PPP a des allures de bombe à retardement pour les finances publics.