Monsieur le Président de la CNDP

Commission Nationale du Débat Public 20 avenue de Ségur

- 75007 PARIS

Monsieur le Président,

Nous avons eu connaissance que le 27 juillet 2012, RFF a saisi la CNDP (Commission nationale du débat public) que vous présidez, d'une demande de réouverture de débat public sur le projet de LGV Limoges-Poitiers.

En effet, lorsque le délai de 5 ans prévu à l'article L.121-12 du Code de l'Environnement entre la fin du débat public et la mise à l'enquête publique est dépassé, l'article L.121-8 du Code de l'Environnement stipule que le maître d'ouvrage dispose d'un délai de 2 mois pour formuler une saisine auprès de la CNDP, démarche indispensable qui conditionne la légalité de l'enquête publique, sauf si "des circonstances de fait ou de droit justifiant le projet ont subi des modifications substantielles", légitimant ainsi la prorogation de ce délai. Dans le cadre du projet LGV Limoges-Poitiers et conformément à l'article L.121-12 du Code de l'Environnement, RFF aurait dû vous adresser cette saisine au plus tard en avril 2012, le délai imparti de 5 ans se terminant au 31 janvier 2012. Aucune circonstance modificative dudit projet n'étant intervenue, notre interprétation stricto sensu des textes réglementaires nous amènent à la conclusion inéluctable que RFF a saisi la CNDP hors délai et que par conséquent, sa demande est irrecevable et doit donc être rejetée par la CNDP.

Ce rejet ne serait pas un cas unique dans la menée de grands projets d'aménagement du territoire puisque le Conseil d’État, dans une décision du 24 mai 2006, a confirmé le rejet d’une saisine nouvelle de la CNDP à l’égard d’un projet autoroutier.

Dans le cas où, néanmoins, la CNDP la jugerait recevable et fondée, cette saisine nouvelle impliquerait qu'une éventuelle enquête publique ne puisse être rendue légale que par un nouveau débat public dont l'organisation devrait se concrétiser par un cycle de réunions de concertation et d’information. Nul doute que la conviction de nos élus politiques et consulaires favorables au projet, quant à la réalisation rapide des travaux, risquerait de se trouver durement confrontée à la pression des citoyens (participation résultant de l'art.7 de la Charte de l'Environnement, texte à valeur constitutionnelle) et des fédérations d'associations et de personnes opposées à ce projet, compte tenu des informations contradictoires et multiples circulant autour de ce projet.

En ce sens, nous saisissons l'opportunité de ce courrier pour dénoncer avec force la publication récente dans la presse locale d'une dizaine d'articles affirmant peu ou prou que le projet bénéficie, outre de l'adhésion de nombreux défenseurs locaux dont la consultation impartiale est plutôt contestable, du soutien inconditionnel du Président de la République alors qu'aucune déclaration officielle ne permet cette assertion. Ces déclarations constituent une intox inadmissible qu'il conviendrait de sanctionner, la CNDP devant être garante de la justesse des informations transmises au public. En tout état de cause, il n'est pas concevable que l’incertitude perdure sur l'avenir de ce projet car elle anéantit toute chance de vendre leurs biens au prix normal du marché pour les riverains impactés et les habitants des communes sacrifiées, elle plonge dans la détresse des personnes âgées menacées d’expropriation et accule à la faillite des agriculteurs qui voient leurs exploitations coupées en deux ou ramenées en dessous d’une taille critique, sans espoir de compensation correcte. On sait que les procédures prévues pour constituer des réserves foncières ou établir la cotation des terrains se basent sur des notions de rentabilité et de périmètre, avec remembrements le plus souvent défavorables. Le constat pour d'autres projets où ces procédures sont en pannes juridiques et financières n'invite malheureusement pas à l'optimisme. Vous comprenez donc bien que chaque personne impactée par ce projet de LGV souhaite connaître le calendrier précis selon lequel cette nouvelle saisine sera étudiée par la CNDP et quels éléments d'appréciation seront retenus quant à sa recevabilité et quant au fond de la demande tardive formulée par RFF. Nous considérons d'ailleurs cette demande comme abusive, le retard du projet n'étant dû qu'à son absence de pertinence, d'objectivité de l'étude socio-économique par rapport à l'estimation du marché et par le manque d'écoute des aspirations des citoyens. En effet, les demandes réitérées des élus et habitants des communes impactées, ainsi que les réserves émises par les associations participantes à chaque réunion des ateliers thématiques (cf. les PV dûment validés de ces rencontres) n'ont pas été sérieusement étudiées ni évaluées. En outre, comme le prévoient les articles L121-1 et L124 (Information publique et droit d'accès à l'information relative à l'Environnement), des réunions publiques d'information à l'initiative de RFF durant la phase 2 du projet consacrée à la concertation publique, n'ont eu lieu que très tardivement dans plusieurs communes concernées par le tracé de la LGV. Plus encore, certaines d'entre elles n'en ont pas eu du tout, telle la commune d'Iteuil dans le département de la Vienne, alors que c'est sur son territoire qu'a été fixé le point de jonction de la LGV Limoges Poitiers avec la ligne TGV Bordeaux-Paris. Ce dernier point peut amener à considérer que le public n'a pas bien été mis en mesure de débattre de l'opportunité et des objectifs du projet, ce qui constitue une irrégularité dans le déroulement de la concertation publique que la CNDP se doit de stigmatiser et sanctionner. Enfin, les décrets du 29 décembre 2011 portant réforme des enquêtes publiques, obligent désormais les maîtres d'ouvrages de projets n'ayant pas obtenu la mise à l'enquête publique au 30 juin 2012, ce qui est le cas pour la LGV Limoges Poitiers, à approfondir les études relatives à la préservation de l'Environnement et à inclure le regroupement d'enquêtes de projets concomitants, tels, entre autres aménagements concernés, la mise à 2X2 voies de la RN141, la construction de voies de contournement…etc. La lettre de Mme la Ministre chargée des Transports du 6 février 2012, rendant officielle la poursuite et l'approfondissement des études de la 3è phase du projet avant la mise à l'enquête publique, va dans ce sens. De même, le comparatif technique et financier avec d'autres projets d'intérêt similaire (ici POLT et POCL) doit figurer dans l'élaboration du dossier définitif, de même que l'actualisation du coût estimatif global du projet, avec détail de la répartition des divers financements. Je vous remercie, même si la CNDP n'est pas chargée de vérifier le fonds du dossier instruit par RFF, de veiller pour le moins à répercuter vers RFF ces exigences légales dont la portée en matière d'information publique est irréfutable.

Compte tenu de tous ces éléments ci-dessus développés et comme la loi y invite clairement la CNDP, j'ai l'honneur de vous demander, Monsieur le Président, de rejeter la nouvelle saisine de RFF ou de prendre les dispositions légales qui s'imposent en cas de décision de sa recevabilité. En l'attente d'une réponse de votre part aux arguments exprimés dans la présente lettre, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments respectueux

Le Président de la CRI, Stéphane LAFAYE

Les Combes 87 270 Chaptelat 06 83 41 21 10 Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.