Le TGV file à travers la campagne. Mais ce sont essentiellement les grandes agglomérations qui en tirent profit

  16 septembre 2012l

Economie : à qui profite la LGV ?

Le TGV file à travers la campagne. Mais ce sont essentiellement les grandes agglomérations qui en tirent profit

Entre sciences et croyances. Les débats qui opposent partisans des projets de ligne à grande vitesse et les défenseurs de l'utilisation des lignes existantes ne sont pas épuisés. ... Pour mieux comprendre les effets économiques de la grande vitesse ferroviaire sur les territoires traversés, des universitaires et des chercheurs de premier plan national nous aident à démêler le vrai du faux sur la grande vitesse ferroviaire.

. La LGV crée du développement économique

FAUX. C'est un point sur lequel les chercheurs sont plutôt unanimes. « Le TGV n'a pas d'effet structurant en tant que tel », explique Jean-Marc Offner, actuel patron de l'Agence d'urbanisme de Bordeaux, un spécialiste des transports. « Le TGV ne fait que révéler ou amplifier les dynamiques économiques à l'œuvre sur le territoire », poursuit Marie Delaplace, de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée. « Ce sont les entreprises qui créent de la valeur, donc de l'emploi, en développant le nombre de leurs clients. Pas les infrastructures, contrairement à ce que croient un peu naïvement les élus », rappelle Yves Crozet, du Laboratoire d'économie des transports de Bordeaux.

Les effets ne sont pas nuls. Les entreprises de conseil lyonnaises se sont ouvert de nouveaux marchés parisiens avec la LGV. On visite plus facilement Strasbourg et ses environs depuis sa connexion au réseau. Reims a accueilli une trentaine d'entreprises, créé une ZAC autour de sa gare nouvelle, mais peu, hormis des centres d'appels, sont venues de l'extérieur. Depuis l'ouverture du Rhin-Rhône, RFF a transféré sa direction régionale Bourgogne-Franche-Comté de Besançon vers Dijon.

Les villes qui en tirent parti sont celles qui avaient déjà des stratégies publiques et privées. Mais, le plus souvent, ce sont d'abord les entreprises locales qui relocalisent leurs activités dans des quartiers d'affaires émergents autour des gares, comme à Bordeaux. En attendant mieux.

. Le chantier TGV est créateur d'emploi

VRAI. C'est incontestable pendant les chantiers. Certes, ils finissent par se terminer un jour, mais il est difficile de plaider pour des mesures de croissance et la relance de grands travaux à l'échelon européen et, dans le même temps, de discuter leur pertinence à l'échelon régional. Plus de 3 000 personnes ont travaillé à la construction du TGV Rhin-Rhône, entre Mulhouse et Dijon, autant ou presque d'emplois indirects ou induits ont également été créés. Un millier ont été attribués à des bénéficiaires de la clause sociale d'insertion, des hommes et des femmes formés et recrutés surtout à des postes de manœuvres et d'ouvriers.

Le chantier de la LGV Tours-Bordeaux emploiera 4 500 personnes au total sur cinq ans, dont 1 300 recrutées localement. Plus de 2 000 ont à ce jour été déjà reçues. Une vingtaine de millions d'euros destinés à la formation sont alloués par le Pôle emploi, les Conseils régionaux et les entreprises. Au total, plus de 500 000 heures de formation auront été dispensées.

. Les villes moyennes en profiteront aussi

FAUX. Le diagnostic est certes à nuancer. Il agace les élus, cette fois-ci, parce qu'ils sont persuadés que la LGV est synonyme de développement pour tous. « Une croyance », selon Yves Crozet. D'abord, la grande vitesse est faite… pour aller vite. « Les fréquences de desserte des villes moyennes seront plus faibles », insiste Marie Delaplace. La Fédération nationale des agences d'urbanisme désigne les villes moyennes comme les perdants du TGV.

La métropolisation est déjà à l'œuvre, et la grande vitesse ne fait que l'accélérer. « Il appartient aux élus des villes moyennes d'anticiper ces tendances et d'élaborer des stratégies de développement complémentaires à celles des métropoles. Tout n'est pas perdu pour elles, loin de là », explique Alain Bonnafous, futur président de l'Observatoire socio-économique de la LGV Tours-Bordeaux. « Les métropoles sont les grandes gagnantes de la grande vitesse », estime Victor Pachon, principal opposant basque à la Bordeaux-Hendaye. En fait, le TGV ne fait qu'accélérer une tendance déjà à l'œuvre

Le TGV est bon pour l'environnement

VRAI. Les opposants à la grande vitesse n'aiment pas cet argument. Pourtant, elle contribue à la conversion écologique de nos pratiques de transport. Le TGV est nettement moins polluant que l'avion. Partout où la grande vitesse a été en concurrence avec lui, dans les villes à une, deux ou trois heures de Paris, le trafic aérien a chuté « avec des scores assez spectaculaires de - 30 % à - 40 % de part de marché sur les allers et retours », précise Antoine Frémont, responsable des questions d'aménagement du territoire à Réseau ferré de France. De surcroît, les liaisons ferroviaires se font de centre-ville à centre-ville.

La construction des lignes est, en revanche, plus destructrice pour la biodiversité. Toutefois, les règlements, obligations et mesures de compensation qui la régissent désormais sont contraignants et donc respectueux de l'environnement comme jamais.