recherche d'un remède au mal ferroviaire

Le 26 septembre, devant la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes a épinglé les faiblesses de la rénovation du rail français et fixé des recommandations pour l'améliorer. L'épais rapport qu'elle publie tombe à pic dans la perspective du mouvement annoncé d'unification des métiers de l'infrastructure.

Entre eux, c'est accords et désaccords. Dans un rapport sur l'entretien du réseau ferroviaire, la Cour des comptes éclaire la complexité des relations conventionnelles entre le gestionnaire Réseau ferré de France (RFF) et la division de la SNCF chargée de l'entretien des voies. Sur le plan de la maintenance, leur organisation a des allures de sac de nœuds. Elle est "sans équivalent en Europe", insistent les magistrats. Gestionnaire de l'infrastructure, RFF délègue en effet une majeure partie de ses opérations à la SNCF, qui "devient ainsi gestionnaire d'infrastructure délégué". Résultat, le donneur d'ordres est totalement dépendant de son gestionnaire délégué.
Ce schéma entraîne en cascade des tensions liées à la mise sous tutelle de l'un et à la prise d'autonomie de l'autre. Exemple : s'estimant mal informé sur le suivi de l'entretien assuré par la SNCF, RFF s'en est longtemps plaint et bien que la situation s'améliore, "le travail sur un schéma directeur commun engagé entre eux s'est ralenti en 2011". La dérive des coûts de l'entretien est aussi liée en partie à cette organisation propice à des "conflits de capacités". S'affrontent en effet deux logiques, l'une de programmation industrielle de long terme pour RFF, et une logique de terrain dictée par les aléas de chantier pour la SNCF. Plus de fluidité dans ce dispositif est attendu d'ici 2014. D'ici là, il persiste des désaccords sur la stratégie d'achat, mais une lueur d'espoir se fait jour depuis la signature, l'an dernier, d'un "nouveau partenariat industriel et commercial entre RFF et SNCF-Infra".

Esquisse de réflexion commune

Toutefois, "on ne peut que regretter qu'il ait fallu attendre près de quatorze ans après la réforme du système ferroviaire pour que s'instaure ce début de réflexion commune sur des questions aussi essentielles pour une bonne gestion de la maintenance", pointe la Cour. Son rapport revient, en outre, sur le niveau de vieillissement du réseau. Le phénomène ne touche pas que les rails mais aussi les ouvrages d'art, caténaires ou sous-couches de voies. Les travaux sont de plus en plus effectués de nuit, ce qui fait enfler les coûts et affecte le trafic fret. Par ailleurs, d'importants besoins de rénovation vont émerger dès 2014 sur des lignes à grande vitesse (LGV Nord, LGV Sud-est et Atlantique). Mais l'impasse est financière : depuis 2006, l'effort de rénovation du réseau par RFF n'est plus supporté par les ressources de l'entreprise mais par un recours croissant à l'endettement.
La Cour estime que "sans diminution de la taille du réseau, sa maintenance sera confrontée à la poursuite d'un inéluctable renchérissement des coûts". Et ce malgré l'aide apportée par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) et par les collectivités locales. Elle formule en conséquence plusieurs recommandations, dont deux sont relativement inattendues. Elle suggère en effet de concentrer les moyens financiers sur la préservation du réseau existant par rapport aux projets de développement. Commentant cette proposition, Roland Ries, sénateur du Bas-Rhin et maire de Strasbourg, estime qu'elle "va dans le bon sens". "Cela fait longtemps que je plaide pour que nous fassions ce choix de sécurisation et de modernisation du réseau – en renouvelant au moins 1.000 km de voies par an - face à la tentation du tout TGV", a-t-il ajouté . Enfin, les magistrats préconisent de hiérarchiser les lignes ferroviaires du réseau secondaire "par ordre d'utilité décroissante". Ce qui permettrait à l'Etat, "en relation avec les collectivités concernées, d'engager un programme de substitution des lignes les moins fréquentées par des liaisons en autocar".